L’histoire du Château d’Ermenonville
Un lieu chargé d’histoire
Bien sûr certains détails se sont perdus dans les couloirs du temps, où ont sombré dans l’oubli en même temps que les mémoires de leurs contemporains, pour autant la chronique du Château d’Ermenonville a la précision des grandes destinées. Il incarne 11 siècles d’histoire, en faisant un inestimable joyau du patrimoine architectural français.
En 987, Hugues Capet est fait roi des Francs dans le château voisin de Senlis, mettant fin à la dynastie des Carolingiens. Tout près, Ermenonville est alors choisi pour l’établissement d’un site stratégique visant à affirmer le nouveau pouvoir en place. La cité, autrefois nommée « Irminon Villa », accueille ainsi la même année une forteresse contrôlée par les comtes de Senlis et les premiers rois de France. Son but : réguler le trafic entre le nouveau berceau des capétiens et les grands marchés de l’Est. L’édifice est alors typique de l’architecture défensive médiévale : un château fort avec une enceinte cernée de tours à créneaux, de douves et d’un pont-levis.
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Le château est incendié en 1358 lors de la révolte des Jacques, soulèvement paysan des campagnes d’Île-de-France, de Picardie, de Champagne, d’Artois et de Normandie. Il faudra à Robert de Lorris, Seigneur d’Ermenonville, des travaux titanesques pour le remettre en état.
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Au XVème siècle, le Roi Louis XI y séjourne à trois reprises, voyant dans l’édifice assez de prestige pour accueillir ses résidences royales de passage en pays de Valois.
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Propriété de Dominique de Vic en 1592, compagnon d’armes d’Henri IV que les combats avaient laissé avec une jambe de bois, le château a encore les faveurs royales, témoin des retrouvailles du bon roi Henri et de sa favorite Gabrielle d’Estrées. C’est à cette époque que la seigneurie d’Ermenonville est érigée en vicomté. Son architecture est encore marquée de médiévalisme avec des façades austères, des tourelles et un imposant donjon.
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Son apparence actuelle, inspirée par les canons architecturaux du siècle des Lumières, est due au Seigneur Claude-Louis Lombard, nouveau maître des lieux en 1728. Repensé comme une demeure de plaisance, le château se pare alors d’ailes latérales, de larges et nombreuses fenêtres, d’un corps central décoré de frontons aux motifs héraldiques et orné de balcons en fer forgé. Quant au donjon, relique moyenâgeuse, il est tout simplement abattu. Les remaniements sont pharaoniques, mais donnent au château d’Ermenonville la prestance qu’on lui connait depuis.
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Transmis dans la famille Lombard, l’édifice est ensuite vendu en 1754 au collecteur des impôts du roi Louis XV, René Hatte, qui en fera hériter son petit-fils le marquis René-Louis de Girardin en 1763. Commanditaire de la modernisation totale de l’aménagement intérieur du château et de l’ouverture de la perspective sur le parc sud, le marquis de Girardin consacrera surtout temps et énergie à la transformation du Grand parc du domaine en jardin à l’anglaise. « Julie ou la Nouvelle Héloïse » de Jean-Jacques Rousseau lui donne l’inspiration d’un jardin « irrégulier » d’aspect bucolique. Désordre élégant et tableaux paysagers accentuent le sentiment romantique propice à la méditation et à la promenade philosophique.
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Décédé le 2 juillet 1778, Jean-Jacques Rousseau passera les six dernières semaines de sa vie au Château d’Ermenonville et sera inhumé sur l’île des Peupliers dans le Grand Parc, attirant de nombreux personnages illustres : Marie-Antoinette, Benjamin Franklin, Robespierre, Mirabeau, Danton, Saint-Just, Camille Desmoulins, le roi de Suède Gustave III. Le célèbre peintre des paysages Hubert Robert concevra son tombeau, décoré de bas-reliefs représentant des allégories de la liberté, de la nature et de la vérité.
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Divisé en lots lors de la succession du marquis de Girardin et de ses descendants, le château est ensuite acquis par Marie-Charlotte Hensel en 1876, comme dot pour sa fille Louise, épouse du prince Constantin Radziwill. D’importants travaux de restauration sont alors entrepris par la famille qui résidera au château jusqu’en 1927, date de la mort du dernier descendant, Léon Radziwill fils du prince Constantin. Trois ans plus tard, l’île des peupliers, le temple de la philosophie moderne et quelques autres fabriques du Grand Parc, ainsi que le château, sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques (arrêté du 11 juin 1930).
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En 1932 Ettore Bugatti, un des célèbres fondateurs de l’industrie automobile, rachète le château et son parc, et procède alors à son démembrement. Le mobilier, l’inventaire et toutes les collections, dont les souvenirs du séjour de Jean-Jacques Rousseau et les objets du marquis René-Louis de Girardin sont vendus séparément du domaine, dispersés à jamais auprès de marchands d’art et de collectionneurs. Dans le même temps, Ettore Bugatti vend encore des terrains à l’ouest et à l’est du Petit parc adjacent au château. Le Grand parc sera cédé au Touring Club de France en 1938 pour sa sauvegarde. Ouvert au public, il devient officiellement le parc « Jean-Jacques Rousseau ».
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A partir de 1964, le château devient hôtel-restaurant sous affiliation « Relais & Châteaux », sous l’impulsion de son nouveau propriétaire le docteur Henri Montarnal, qui le transformera ensuite en maison de retraite. Racheté en 1991 par le groupe Philippe Savry, les Hôtels Particuliers, il se mute en établissement hôtelier de prestige. Lieu de tournage pour le cinéma, il servira également de décor « aux visiteurs » de Jean-Marie Poiré, et à sa suite « Les couloirs du temps », gravant dans la mémoire collective quelques scènes culte, depuis prétexte à des séjours au château pour les cinéphiles.
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Un temps propriété du groupe Luxempire qui y crée un parc des dinosaures, le Domaine Château Ermenonville rejoint le label Terres de Natures en 2022, porté par la vision de l’entrepreneur Matthieu Gufflet d’en faire une escale historique au cœur d’une nature retrouvée. Aujourd’hui le château posé sur l’eau, ses douves, son petit parc de 18 hectares fendu en deux par la Launette offre aux hôtes l’émerveillement d’un lieu à l’âme vibrante et à l’authenticité préservée.
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